mercredi 7 novembre 2012

Fresque autobiographique d'un maître du manga (Une vie dans les marges)


Non je ne suis pas devenue une fan de mangas.
Je ne connaissais pas non plus l'auteur, Yoshihiro Tatsumi, l'un des plus grands mangakas encore vivants, l'inventeur du gegika dans les années 50 (des mangas dramatiques, plus pour adultes, par opposition à ceux, plus comiques, qui étaient jusqu'alors surtout destinés à un public jeune).
D'ailleurs, je suis comme vous, je me mélange allègrement les noms des dessinateurs japonais et je n'arrive jamais à les retenir.
Pas de chance pour moi, Tatsumi en a côtoyé plus d'un !

Peu importe, je me suis jetée corps et âme dans la lecture du premier volume de cette autobiographie, qui en compte deux.
Hiroshi Tatsumi retrace sa vie et son œuvre sur une quinzaine d'années (Yoshihiro est un pseudonyme, si j'ai bien compris) à partir de ses 14, 15 ans, tout en ponctuant les pages de faits historiques et faits de société du Japon d'après-guerre, en pleine mutation.


Mettons tout de suite les choses au point : je n'aime pas particulièrement les dessins de Hiroshi/Yoshihiro Tatsumi, qui me font ni chauds ni froids.
Ce n'est donc pas pour cela que je vais vous recommander cette lecture.


Non, ce qui m'a carrément passionnée, c'est le récit en lui-même, la fresque historique, la naissance de la  bande-dessinée japonaise moderne (le fameux gegika).
Oui, là, je me suis dit qu'enfin, je commençais à comprendre un peu quelque-chose aux mangas !
Du moins, j'avais le sentiment que j'étais en train d'acquérir certaines bases.

Au début des années 50, le manga classique prolifère ainsi que les librairies de prêt qui permettent aux jeunes d'assouvir leur passion de lecture contre une somme modique. On suit les débuts de Tatsumi avec les mangas 4 cases, ces petites histoires drôles, des gags, qu'il dessine et envoie aux magazines spécialement dédiés aux mangas et aux journaux généralistes, qui organisent des concours et publient (et rémunèrent) les vainqueurs. À chaque fois, il espère se faire remarquer.
Ça ne marche pas tout de suite. Son grand frère, Okimasa, qui est souvent malade car victime d'une pleurésie, est lui aussi passionné de dessin. Il réussit avant Hiroshi à placer ses petits mangas mais le cadet ne tarde pas à connaître des succès plus nombreux, suscitant l'envie de son aîné.
Le 1er volume témoigne de cette relation intense entre les deux frères, avec le grand qui peut aussi bien être infecte envers son cadet, miné par ses crises de jalousie (il va jusqu'à déchirer le travail de son frère), tout en étant quelques jours après son plus fervent soutien. 

Hiroshi a aussi la chance d'habiter à Osaka, pas très loin de Osamu Tesuka, célèbre mangaka et une de ses idoles. Des rencontres, des conseils prodigués, de quoi donner des ailes !
Et puis il a osé. Osé envoyer ses manuscrits à Noboru Oshiro, encore un autre grand mangaka de l'époque (ça va, vous suivez dans les noms ?), qui lui a ouvert certaines portes dans l'édition.

À côté des mangas, Hiroshi est également un passionné de cinéma, nouveau loisir de masse dans les années 50. Il passe de nombreuses heures dans les salles, à visionner les films japonais, les classiques hollywoodiens et les films français.


Le 1er volume témoigne donc également de la grande influence que le 7ème art a eu sur sa façon de dessiner, de mettre en cases ses histoires, d'une manière plus étalée, plus narrative que ce qui se faisant dans les mangas classiques au format court.
Déjà tout jeune, Tatsumi aspire à dépasser les marges traditionnelles du manga.
C'est captivant !


"Une vie dans les marges a d'abord valeur de document. Pour la première fois, ce pionnier de soixante-quinze printemps y relate, de l'intérieur, les balbutiements d'un genre graphique révolutionnaire. Une page d'histoire donc, où, d'Osamu Tezuka à Takao Saïto, on croise le gotha des dessinateurs et des éditeurs de l'époque, et où l'on assiste aux débats et aux tâtonnements d'un milieu en pleine ébullition." (critique Télérama)

Oui, c'est bien cette valeur documentaire que j'ai reconnue et que j'ai appréciée dans cette œuvre de longue haleine, qui a demandé pas moins de 11 ans de travail au grand maître.

N'ayez pas peur de découvrir cet univers, même si vous n'y connaissez rien (j'en savais à peine plus).
C'est très accessible et vous ne serez pas perdus si vous prenez seulement la peine de noter quelques noms en pense-bête.

Je ne doute pas que le volume 2 sera tout autant passionnant. Je l'attends de pied ferme !

L'intérieur de la jaquette 

Le réalisateur syngapourien Eric Khoo s'est largement inspiré de cette Vie dans les marges pour réaliser son premier film d'animation, Tatsumi, sorti en France au début de l'année 2012 (lire une interview du réalisateur ici).

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4 commentaires:

  1. Le manga n'est pas mon fort non plus mais la façon dont tu en parles est incitative. je vais te suivre et explorer à nouveau ce genre. :-)

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  2. J'espère que tu seras alors agréablement surpris.
    Contrairement à ce qu'on pourrait penser, et à ce que je pensais avant, ce ne sont pas que des histoires d'écolières à couettes, en jupettes et grands chaussettes blanches !

    Pour le côté dessin, je reconnais que le style japonais n'est pas mon préféré, mais un petit manga de temps en temps ne nuit pas à la santé mentale. Et celui-ci est fortement recommandé même tellement il est instructif !

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  3. Ca a l'air cool :-))
    Bizzz Laure
    http://ptitesphotosdelolo.blogspot.fr/

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  4. ça me paraît très intéressant comme bd. En parlant de bd, je viens de finir pyongyang de guy delisle et j'ai beaucoup aimé. Ca m'a donné envie de lire l'aquarium de pyongyang écrit par un dissident au régime que nous avons ici car mon mari l'a lu et qui est mentionné dans la bd. Et bien sûr les autres bd de guy delisle (mais nous n'en avons que deux à la médiathèque de Budapest ... )

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